Sur la place du Bourdon, une table, quelques chaises, deux becs de gaz. Carina s’affaire. Le matin, elle fait la soupe, l’après-midi, des crêpes. On s’assied, on mange, on devise. Carina est comédienne. Elle joue avec les passants qui veulent bien lui emboîter le pas. Un couple lui apporte des épices marocaines et lui donne la recette, quelques uns mangent, repartent, puis reviennent… Plus loin, d’autres comédiens de la compagnie « Arts nomade » ont installé qui un salon, qui une salle de bains, qui une coiffeuse, toujours sur un tapis d’herbe fraîche, et toujours avec le souci de rencontres autres, d’humour et de rêve.
C’était le dernier week-end de septembre.
Une fête de quartier pas banale, parce que c’est une première, avec « Plein la rue ». L’Eden, avec l’aide de l’Agence Culturelle de Sambraisie, a voulu faire la fête chez lui, avec ses voisins, et en collaboration avec les associations, nombreuses, installées dans le coin. Une fête tournée vers le quartier, avec la volonté de rencontrer, enfin, ai-je envie de dire, les habitants sur leur lieu de vie.
Mais quel est-il ce quartier ? En prémices, j’ai rencontré pour Sambraisie, un mois durant, ceux qui y vivent. Ils m’ont raconté leur histoire, celle du quartier, ils ont posé leurs questions, exprimé leurs désirs, leurs rancoeurs, leurs espoirs. Tout cela a servi de base aux comédiens, ils ont pu là-dessus broder, approfondir, explorer ; une expo de textes et photos a renvoyé un retour aux habitants et visiteurs, un petit journal a été largement distribué.
Trois jours durant, donc, fête. Apéritif urbain, vendredi soir, à l’Institut St Joseph, préparé par les étudiants et animé par les djembés de « Togoviwo », une association qui est installée rue de France. Magnifique concert de Karil Baggili le soir. Et le samedi, sous le soleil, toutes ces animations pour petits et grands, des expos, un dédale, des contes, des concerts de métal et de hip hop, avant le bal populaire sur la place du Bourdon. Pendant ce temps, l’artiste Loeïz Le Guillerm « emballait » l’Eden dans une structure de tubulures qui est un beau poème éphémère, et à laquelle chacun pouvait participer. Il avait auparavant métamorphosé les murs de l’Eden les cachant, les révélant, à travers ses constructions de carton. Et puis, en final, le concert de la Manouch’Banda…
Durant ces trois jours, je me suis promenée là-dedans avec plaisir, à en oublier le parcoville encombré de déchets, les trottoirs éventrés, les fenêtres muettes, la place du Bourdon si tristounette et si mal conçue. Et les gens du quartier qui y sont venus y ont vécu leurs rues et leurs voisins autrement. Une première. Un début. Sans grand flonflons, mais avec du cœur, avec le souci de rencontrer les gens là où ils sont, de les faire participer à cet Eden, à ces associations qu’ils ne connaissaient parfois pas, de leur en ouvrir les portes, de leur donner envie… De leur montrer leur quartier autre, vivant, empreint de rencontres et de solidarité, de dépasser les clivages, d’apprécier la richesse de leur multiculturalité. Et de poursuivre… Car eux, les habitants, ils ont à dire… Evidemment, on ne fait pas le portrait d’un quartier en quelques mots, en quelques pages, en quelques semaines… On ne noue pas de liens profonds en quelques rencontres et en une fête…
Mais Céline Lefebvre et Laure Houben ont bien l’intention de poursuivre.
Reportage: Marie-Claire Blaimont